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Rêvons et agissons !



Tout ou presque est gros chez moi (ceux qui m'aiment diront que ça me rend moelleuse et confortable), par contre j'ai plutôt une petite tête. Une petite tête qui déborde très souvent ; d'idées, de souvenirs, de réflexions, de rêves, de révoltes, de projets, d'envies et d'avis.


Ceux qui partagent ma vie savent que j'ai toujours un petit truc à dire, le genre de petit truc qui finit par durer des heures.

Mais à certains moments, ça ne suffit plus, je m'endors avec ces phrases qui tournent dans ma tête et elles finissent par sortir par mes doigts, elles se transforment en textes que j'ai envie de partager.

J'espère que certains des mots que je couche sur le papier s'organisent et se répondent avec une touche de poésie.

Les racines de certains textes sont sans doute moins poétiques et plus « militantes ».

Ce matin, j'ai rangé la poésie pour tenter d'organiser des pensées et un texte à la fois plus terre à terre et profond.

J'écris à la première personne, je partage mes avis, nés de mes expériences. Il ne s'agit pas d'égocentrisme mais de logique, je peux observer, échanger, discuter, débattre mais mes idées se nichent dans ma propre petite tête. Je ne prétends pas être la détentrice de la vérité universelle, simplement ma vérité, tirée de mes observations et de ma vie.

J'ai beaucoup lu à propos de la simplicité, de l'écologie, de la décroissance, de l'autonomie, de l'épuisement des énergies fossiles. J'ai été tellement heureuse de découvrir que cela fait des décennies, parfois plus d'un siècle que des penseurs ont mis des mots précisant mes ébauches de réflexions. J'ai longtemps cru que la meilleure solution pour faire comprendre cette façon de vivre et de penser était de mettre en avant ces auteurs et leurs précieux et utiles ouvrages. Je le fais et je continuerai de conseiller à ceux que je croise de lire Henry David Thoreau, William Morris, Ivan Illich, Paul Ariès, Serge Latouche pour ne citer qu'eux.


Mais je me suis rendue compte que cela ne suffirait pas à donner à ceux qui m'entourent la même envie de rêver et de construire un autre monde.

J'ai bien vu passer, sur la toile, des petites vidéos de personnes qui reprenaient le même genre d'idées que celles qui m'animent ; ils traduisent les pensées des auteurs que j'aime dans un langage plus simple et moderne et avec les codes d'un monde rapide mais ça ne me plaît pas trop ces formats qui ressemblent trop à des publicités, qui filent trop vite et qui sont faits pour être consommés rapidement. Tant mieux si cela permet de populariser, de rendre plus visibles les valeurs qui me sont chères, tant mieux si cela donne à certains l'envie de creuser, d'essayer de vivre autrement. Ce ne sera simplement jamais ma façon de faire.


J'aime prendre le temps d'écrire pour ceux qui prendront le temps de me lire.


Je ne regarde pas la TV et je lis peu la presse quotidienne. Je leur préfère des essais, des articles, des documentaires, des échanges plus profonds, plus réfléchis, plus engagés.

Mais, ces derniers jours, je vois tourner sur le net des titres, des remarques à propos du prix des énergies (l'essence, le mazout, l'électricité, le gaz etc). Je suis curieuse et j'aime lire les réactions des gens mais très souvent je suis un peu décontenancée par ce que je lis.

Souvent, je me dis « Je ne comprends vraiment pas ! »...


Je n'ai pas fait de plan pour écrire ce texte, j'ai envie d'essayer de retranscrire ces pensées qui, je l'espère méritent de ne pas être qu'un monologue solitaire..

J'ai envie de prendre la parole pour écrire ce que je lis ou entends trop peu voire pas du tout ces derniers temps.


J'ai du mal à comprendre cette fuite vers l'avant, ce monde qui fonce à toute vitesse dans le mur me rend dingue !

Les sujets qui agitent les médias et les foules sont toujours teintés de pognon. On s'inquiète, à se révolte, on se désespère, on peste à propos du prix de l'énergie, on évoque la guerre la plus proche de chez nous, on expose les chiffres et les nombres, les profits et les économies... Mais qui se rend compte que guerre ou pas guerre, multinationales ou pas ce monde de la consommation à tout-va est fini, terminé et qu'au plus on se met des œillères au plus on se fracassera avec une extrême violence dans le mur qui n'est plus qu'à quelques pas de nous ?!?


Le système capitaliste et industriel est injuste, inutile, néfaste et il n'a fait que des ravages depuis qu'il est en place ! Son but est de creuser les inégalités, il n'a jamais prévu de place et de confort pour tout le monde, ses intentions sont d'enrichir une petite poignée de la population en exploitant les autres, de faire croire à ceux qui sont en bas de l'échelle qu'en écrasant leurs semblables ils accéderont à la marche du dessus. Il crée des besoins inutiles et ne répond pas aux besoins essentiels de chacun et de tous. Il détruit la nature sans aucun scrupule.

Et puis surtout il repose sur une logique absolument idiote et impossible : la croissance infinie avec des ressources finies !

Si certains ne le savent pas encore : les énergies fossiles sont comme leur nom l'indique le résultat de la décomposition et de la méthanisation d'être vivants, morts depuis plusieurs millions d'années. Je peux aisément imaginer que ceux qui ont découvert qu'on pouvait utiliser ces dinosaures transformés par les millénaires en matière riche en carbone pour faire fonctionner de nouvelles inventions étaient persuadés que c'était une lumineuse et merveilleuse idée : la possibilité d'aller plus loin et plus vite, de faire fonctionner des machines au lieu d'utiliser la force humaine ou animale, de cultiver beaucoup plus, beaucoup plus facilement. Tous n'imaginaient sans doute pas que les énergies fossiles, l'industrialisation couplées au capitalisme allaient faire en sorte que tout s'emballe très vite et de façon exponentielle, ils n'imaginaient sans doute pas que ces ressources fossiles s’épuiseraient complètement et que le système qui reposait entièrement sur elles allait se casser la gueule.

Elles sont épuisées ces ressources fossiles ! Le temps du pétrole qui coule à flot est terminé depuis belle lurette et les énergies fossiles qu'on continue d'utiliser sont absurdes, elles demandent souvent plus d'énergie pour les extraire que celle qu'elles offriront. Je ne suis pas une spécialiste technique du sujet mais faites quelques recherches et vous trouverez des gens passionnants qui l'expliquent bien plus précisément que moi.


Cet été, j'ai regardé avec beaucoup d'attention et d'émotion un documentaire sur le Dust Bowl. Si vous ne savez pas de quoi il s'agit : c'est une immense catastrophe écologique, humaine et agricole qu'ont connu les gens vivant dans différents états du centre des États-Unis, dans les années 30. Des terres ont été vendues à des personnes qui s'y sont installées en rêvant d'y vivre une vie simple et heureuse avec leurs familles. Des fermes ont été construites et les grandes prairies, très sèches où ne poussait que l'herbe à bison ont été cultivées, ils ont planté massivement du blé sur ces terres. Les premières récoltes se sont bien passées mais rapidement la sécheresse et le vent ont fait de leurs vies rêvées un enfer. Le vent soufflait non stop une poussière sèche qui rendait tout impossible et qui a rendu malades et parfois tué des enfants et des personnes fragiles. Certains ont voulu fuir vers l'Ouest, rejoindre la Californie pour sortir de cet enfer et tenter de survivre. Ces migrants ont connu la haine, l'ostracisme et bien des difficultés.


J'ai eu souvent les yeux brouillés de larmes, le cœur serré comme un caillou en regardant ce documentaire mais cela a aussi fait naître pas mal de réflexions et de questions.


J'aimerais utiliser l'exemple du Dust Bowl pour faire un parallèle avec ce que nous vivons et ce que nous devrions nous préparer à vivre.

Les intentions de la plupart des fermiers qui se sont installés dans la région étaient nobles, compréhensibles et humaines. Ils étaient courageux, travaillaient dur et voulaient offrir à leurs enfants un peu de stabilité et de nourriture. Mais pour tout un tas de raisons (pas d'étude du sol et de l'environnement, une façon de cultiver très différente de la façon dont la nature fonctionne, des cultures sans cesse plus grandes et nombreuses grâce aux machines agricoles à moteur, des exploitations commerciales par des fermiers en col blanc etc) leur rêve est devenu un cauchemar.

Tout comme l'idée lumineuse d'exploiter les ressources fossiles, de coupler cela au capitalisme et à la mondialisation est un cauchemar sans doute né du rêve d'une toute petite poignée de personnes. Ouvrons les yeux !


J'ai été aussi très émue de découvrir les conditions de vie, les rêves et les désespoirs, l'optimisme, la force, le courage, la simplicité mais aussi la pauvreté et puis la misère de ceux qui vivaient là à cette époque. J'ai été bouleversée par la force et la fragilité, par cette lueur d'humanité si précieuse qui brillait dans les yeux de ces personnes âgées qui racontaient les conditions extrêmes dans lesquelles ils avaient grandi. J'ai écouté attentivement leurs souvenirs remplis d'une lumière douce : le souvenir d'une petite sœur parfaite qui n'avait pas vécu longtemps mais qui avait rempli par sa délicatesse le cœur de ses frères toute une vie, les robes cousues dans la toile de sacs de farine par une mère aimante, l'étreinte d'un père parti chercher une vie meilleure qui retrouve ses enfants...

Ça semble peut-être lointain pour certains, c'était il y a presque un siècle mais j'aime souvent réfléchir en terme de générations, quand je pense à une époque je me demande si c'était celle qui a vu naître ou grandir mes parents, mes grands-parents, mes arrières grands-parents.


J'ai 40 ans, je suis la génération adulte du moment présent et souvent je me demande si j'ai vécu dans un monde parallèle quand je me rends compte de ce qui est considéré comme normal aujourd'hui pour la plupart des gens.

Mes grands-parents, leurs frères et sœurs ont vu le jour dans les années 30-40. Je suis née au début des années 80. Je me souviens de tout ce que mon grand-père nous racontait à propos de son quotidien. J'ai la tête remplie de souvenirs de mon enfance : des livres que mes parents nous lisaient à mon frère et moi, des repas qu'ils préparaient, des promenades que nous faisions, du bus pour aller en ville ou à l'école, des couvertures dans le canapé les soirées froides, des chèvres dans le jardin et des vaches dans la prairie, des marchés et des brocantes, de la discothèque (celle où on allait louer des 33 et des 45 tours avec mon papa) et puis de la médiathèque (où on louait des CD), de la bibliothèque, des vêtements et des déguisements que nous cousait maman, des trajets en train pour aller rejoindre nos grands-parents dans la caravane à la Panne certains étés, de mon premier vélo, des pique-niques dans le jardin... Je me souviens d'une enfance heureuse, remplie d'amour et d'imagination.

Je sais qu'il y a sans doute eu des moments compliqués pour mes parents. Je me souviens des déménagements tous les deux ans, des maisons petites et humides, des longs trajets à pied quand on n'avait pas de voiture, des appels à la cabine téléphonique parce que nous n'avions pas le téléphone à la maison, des sacs de vêtements qu'on nous donnait, des petits boulots que mes parents faisaient et je me souviens que rien de tout ça ne nous a jamais rendu malheureux !


J'ai grandi sans TV, sans voiture, sans téléphone, sans vêtement neuf à chaque saison, sans jouets onéreux, dans des maison où il n'y a jamais eu de cuisine équipée et où il n'y avait pas toujours de jardin, sans vacances ailleurs qu'à la mer du Nord, sans activité extra scolaire régulière, sans avion et rien de tout ça ne m'a manqué.

C'était mon enfance, ça ne me semble pas très loin. Je n'ai pas connu la misère, j'ai juste connu la débrouille à certains moments, comme beaucoup d'entre nous je suppose.


Et pourtant aujourd'hui j'ai parfois l'impression d'évoluer dans un monde où j'ai perdu tous mes repères. Je ne comprends pas les exigences actuelles. Je ne comprends pas tous les objets technologiques qui encombrent les maisons, je ne comprends pas les cuisines équipées avec des meubles qui vont jusqu'au plafond où tout s'allume et s'ouvre grâce à l'électricité (et où je ne suis pas sure qu'on cuisine si souvent), je ne comprends pas les meubles neufs et assortis qu'il faut changer tous les 2 ans, je ne comprends les maisons et les voitures climatisées mais les vacances en avion dans des pays chauds, les terrasses de jardin plus propres et mieux équipées que mon salon, les piscines individuelles toujours plus grandes et luxueuses dont on peut profiter au mieux 17 jours par an, les gazons et les plantes artificielles, les tondeuses et les aspirateurs automatiques, je ne comprends pas qu'il faille plusieurs voitures pour une seule famille, des garages grands comme des petites maisons pour abriter ces voitures, des enfants occupés tout le temps, des gens payés pour faire naître les bébés et les nourrir, d'autres pour les changer et s'occuper d'eux la journée, des vêtements neufs pour chaque saison, des jouets qui ne servent qu'à un seul enfant, des repas qu'on peut juste déballer et réchauffer, de la nourriture emballée dans du plastique, des consoles de jeux plus chères qu'un vélo, des télévisions allumées dans toutes les pièces, des frigos et des sèche-cheveux connectés (le sèche-cheveux était une boutade mais j'en viens à me demander si ça n'existe pas vraiment), des jacuzzi, des bars de salon remplis de bouteilles qui valent un demi salaire, des quads électriques pour enfants, des abonnements à tout ce qui existe, des repas au restaurant plusieurs fois par mois, un budget mensuel pour les rendez-vous chez les coiffeurs/euses, esthéticiennes, massothérapeutes etc, des robots ménagers qui coûtent les yeux de la tête pour faire ce qu'on peut faire avec un petit couteau de cuisine et une casserole, du matériel à domicile digne d'une salle de sport, des dizaines de paires de chaussures, de bijoux, de sacs et d'accessoires et bien évidemment des grandes barrières et des alarmes pour protéger tout ça.


Je ne comprends pas que ce luxe indécent, inutile et néfaste semble devenir la normalité de plus en plus de gens, ceux qui font partie de ce qu'on appelle la classe moyenne.


Je ne comprends pas quand et comment tout s'est emballé à ce point.

Est-ce que ceux qui vivent et vantent ce mode de vie où la consommation est la principale préoccupation pensent vraiment que ça va pouvoir continuer comme ça ???


Est-ce que j'ai été plongée dans le coma pendant 30 ans et j'ouvre les yeux dans un futur connecté technologiquement mais complètement déconnecté des réalités humaines ?


Dans mes souvenirs toutes ces choses étaient avant l'apanage des rupins et il était évident que l'argent ne faisait pas le bonheur.


Mais le système a bien réussi à vendre et normaliser ses merdes, au point que la grande majorité des gens pense que ces privilèges, ces inutilités sont des droits, un pouvoir (le fameux pouvoir d'achat), des nécessités et qu'il est impossible de se priver de quoi que ce soit !


Si j'ai écrit à propos du Dust Bowl ou de ma propre enfance c'est parce que je ne comprends vraiment pas comment tout a basculé si vite et parce que je suis persuadée qu'il y a une grande différence entre la simplicité, la pauvreté et la misère !

La simplicité et la pauvreté demandent parfois du courage mais apportent de la sérénité, de l'autonomie, de la liberté alors que la misère prive de ce qui est essentiel à la vie.


La différence est du même ordre que celle qui existe entre la douleur et la souffrance.

J'aime les parallèles avec ma vie de maman ; j'ai mis au monde mes quatre enfants sans anesthésie, j'ai connu pour la naissance de chacun d'eux une douleur intense mais pas de souffrance. La douleur avait un sens, je savais qu'elle ne durerait pas éternellement, j'étais libre de me mouvoir, de boire, de manger et de réagir comme je le voulais à cette douleur, j'étais entourée de personnes respectueuses et aimantes, la douleur n'est donc jamais devenue une souffrance.

J'ai allaité mes enfants et les tétées des premières semaines étaient parfois très douloureuses mais elles ne m'ont causé aucune souffrance parce que j'avais fait le choix de leur offrir mon lait et que je n'étais pas ligotée et torturée.

Les personnes qui ont vécu le Dust Bowl connaissait la pauvreté, l’inconfort, l'effort, le travail, la simplicité et c'est sans doute ce qui les a aidé à tenir le coup quand ils ont dû vivre la misère.


Je ne cesserai jamais de prôner la simplicité, voire la pauvreté parce qu'elles me semblent être justement émancipatrices contrairement à la richesse financière qui est toute relative, qui pour exister et perdurer doit écraser humains, animaux et nature.


Je sais aussi qu'il y a entre les « miséreux » et cette classe moyenne qui s'inquiète pour son pouvoir d'achat et ses vacances tout un tas de gens qui ont toujours eu de mal à boucler les fins de mois, qui ne mangent pas toujours à leur faim, qui sont exclus de tous les loisirs payants, qui enchaînent les boulots ingrats et mal payés, qui n'ont pas envie de dire leurs difficultés au grand jour mais qui sont épuisés de galérer. Ils n’accéderont pas à la marche du dessus, on ne les verra pas faire la manche dans la rue, demander de l'aide au resto du cœur mais ils connaissent le bruit que l'appareil fait à la caisse du supermarché quand l'écran indique « solde insuffisant », ils savent que c'est compliqué d'expliquer à son gosse que ce n'est pas possible de lui offrir une voiture téléguidée alors que son copain de classe en a plusieurs qui traînent dans un coin dans sa chambre, ils refusent certaines invitations à des repas chez des amis parce qu'ils n'ont pas le pognon pour rempli le réservoir de leur voiture (s'ils en ont une), ils doivent parfois choisir entre une paire de chaussures pour un des enfants, un rendez-vous chez le dentiste pour l'autre ou une séance chez le kiné pour eux (parce que même si certains soins sont remboursés, il faut souvent réussir à débourser la somme d'abord), ils aimeraient souvent manger plus sainement, plus bio, plus « zéro déchet » mais ils n'ont pas les moyens de le faire...


Je ne comprends pas les réflexions que je lis un peu partout : se serrer la ceinture le temps d'un hiver, volontairement ou en suivant les conseils de nantis ne changera rien au problème !


On ne peut plus continuer à consommer de façon exponentielle des biens produits grâce aux énergies fossiles ! On ne peut plus continuer à vivre dans un système où certains se gavent au point de gerber à chaque repas et où d'autres crèvent la dalle !

On ne peut plus vivre comme ça et de toutes façons ça ne sert à rien, ça ne remplira personne de bonheur de posséder toutes ces choses inutiles, ça remplit les vies de creux, de vide, d'un vent avec une odeur de mazout.

Pourquoi chercher des solutions futuristes alors qu'il suffit de se retourner et de regarder comment les gens vivaient ?

Demandons à nos grand-parents s'ils avaient des cuisines équipées, s'ils ont déjà porté des vêtements sales ou troués, trop petits ou trop grands, s'ils partaient en vacances en avion tous les ans, comment ils allaient à l'école quand ils étaient enfants, s'ils se souviennent du goût d'une carotte à peine sortie de terre, s'ils regardaient la TV, comment ils occupaient leurs journées, s'ils avaient parfois froid en hiver et chaud en été, ce qu'ils mangeaient...


Je suis plus littéraire que scientifique mais j'ai bien compris que les humains étaient des animaux.

Je ne me lancerai pas dans des débats pour savoir si nous sommes des animaux « évolués », j'ai simplement envie de vous demander si vous avez déjà pris un moment pour observer les animaux ?

Je le fais de temps en temps, pas au zoo, pas dans des pays lointains, simplement en m'asseyant dans le jardin ou en levant la tête en promenade. Les chèvres, les poules, les moutons, les vaches dans les prairies passent une grande partie de leurs journées à manger, ils baissent la tête, broutent, paissent, picorent. Les milans et les buses tournoient dans le ciel à la recherche de proies, au moment de la fenaison on peut les voir plonger sur les petits rongeurs qui se cachaient dans les herbes ; les mésanges et les rouge-gorge viennent picorer les graines des tournesols fanés, ils passent de l'un à l'autre pendant de longues minutes s'ils ne sont pas dérangés.


Nous sommes aussi des animaux et pourtant, aujourd'hui tant d'humains semblent essayer de réduire au maximum le temps qu'ils consacrent à se nourrir ; il faut pouvoir acheter tout, vite, vite, au même endroit, tout doit être prêt, cultivé, récolté, lavé, coupé, emballé pour être préparé ou réchauffé au plus vite et consommé sur le pouce, vite vite. Mais pourquoi ?! Et comment ? Il y a un prix à payer pour cette consommation hyper industrialisée, il faut donc travailler pour payer tout ça. Et puis comme on a un boulot rémunéré pendant la journée, il faut se grouiller de manger en rentrant du boulot, on n'a pas le temps d'aller chercher les légumes dans le jardin, de les laver, les couper, les préparer donc on achète une brique de soupe toute prête ou une machine qui épluche, coupe et cuit les légumes et tout ça coûte les yeux de la tête alors il faut bien travailler pour le payer... Le serpent se mord la queue !

J'en ai ras le bol de ce système et pourtant je suis née dedans. A l'époque de ma naissance, des penseurs, des spécialistes tiraient déjà la sonnette d'alarme « Une croissance infinie dans un monde fini n'est pas possible » mais on ne les écoutait pas.

J'ai grandi dans ce système mais il n'était pas encore aussi fou qu'aujourd'hui et puis j'ai eu la chance de connaître la simplicité et une certaine pauvreté. Je n'ai pas eu accès au pack complet de la modernité électronique, technologique et j'en suis heureuse.


Ne pourrait-on pas se rendre compte que nous nous sommes engouffrés sur l'autoroute sans nous en rendre compte pour se faire renverser par les voitures et les semi-remorques ? Il suffirait de faire quelques pas en arrière et de prendre ce petit chemin de terre. Nos chaussures seront peut-être un peu moins brillantes, un peu plus crottées, on aura parfois mal au pied parce qu'il y a plus de cailloux, on n'ira moins vite mais on ne risquera plus sa vie à chaque instant en croisant des véhicules lancés à toute vitesse et on pourra parfois s'asseoir dans l'herbe pour admirer une coccinelle sur une feuille, discuter, regarder les nuages et prendre le temps d'être humain. On pourra tenir le bras des plus vieux, porter un enfant sur nos épaules, on n'écrasera plus ceux qui marchent plus lentement ou un peu de traviole.


Impossible de sortir complètement du système ou de le renverser seuls. Je ne cesserai jamais de rêver à cette précieuse révolution qu'on prendrait le temps de préparer tous ensemble, en prenant soin de ne laisser personne sur la carreau, en ne bousillant rien, en laissant l'opportunité à chacun d'exprimer ses envies, ses besoins, ses craintes, ses particularités, où on inventerait plein de petits mondes dans lesquels on pourrait choisir de vivre (parce que je suis persuadée que nous avons des besoins et des envies différents et qu'il serait plus utile et sain de penser plusieurs mondes plutôt qu'un seul qui ne contenterait sans doute entièrement personne).


Je participe malgré moi à ce système, ma vie n'est pas une utopie et je peste sur tout un tas de choses que je me vois obligée de faire.

Par contre au plus j'avance, au plus mon idéal s'affine, au plus j'avance et au plus j'espère que notre vie ressemble à ce que nos grands-parents ont pu vivre.

J'ai des listes de critères, de choses importantes en tête et quand je dois faire un choix je prends ma liste, je me demande comment je peux faire en sorte d'être le plus en adéquation avec mes idéaux, mes valeurs.

Tout ça est très personnel et peut-être un peu flou... Pourquoi prends-je la peine d'écrire ces réflexions ? Parce que les titres que je vois passer concernant les hausses du prix de l'énergie et les réactions qui en découlent me laissent perplexe.

Il ne s'agit pas de faire des petites économies mais de se rendre compte que le système est plus que moribond et qu'il est temps de passer à autre chose (ou peut-être de revenir à autre chose).

Ceux qui ont le moins vivent des grandes difficultés depuis toujours, on ne peut décemment pas leur demander de faire plus d'effort. Et tous les autres, pas juste les super riches, pas juste les grands patrons, ceux qui font tourner le système à plein régime devraient se rendre compte du poids qu'ils ont. Si un « chef » demande à un groupe de personnes de le suivre, personne ne s'arrêtera pour un ou deux individus qui refuseront d'avancer, ils resteront sur le côté et la foule continuera à suivre ce chef. Si le chef ordonne que tout le monde le suive et avance mais que tout le monde refuse, à ce moment là les choses pourront changer. Si le groupe décide de partir dans le sens opposé c'est le chef qui devra soit rester où il est soit suivre le groupe, sa couronne de pacotille tombera et il n'y aura plus lieu de suivre les ordres absurdes, inutiles et néfastes qui peuvent lui passer par la tête.


Dans les médias, dans les débats, au cours de discussions j'ai tout le temps l'impression qu'on pense que le système dans lequel nous vivons est le seul et l'unique qui soit, que c'est même quelque chose de naturel, d'invariable comme les saisons qui se suivent. Le système capitaliste et industriel, la mondialisation sont des concepts abstraits, sortis de la tête de quelques personnes, ils n'ont pas toujours exister, ils n'ont pas à être éternels et immuables. Ils ont été inventés, mis en place et nourris par les humais, il suffit que les humains décident que ces systèmes n'ont plus lieu d'être pour qu'ils volent en éclat.

Nous avons tout un tas de besoins naturels et essentiels mais occuper ses journées en travaillant pour gagner de l'argent et échanger cet argent contre des biens inutiles n'en fait absolument pas partie !


Il est grand temps de se souvenir que nos jambes sont faites pour marcher (et donc que les voitures individuelles devraient disparaître au profit des moyens de locomotion « doux » comme la marche, le vélo, le cheval mais aussi les transports en commun, la mutualisation des voitures qu'on partagerait à plusieurs et qu'on utiliserait plus intelligemment), que nos mains sont faites pour cultiver, cueillir, récolter, pêcher notre nourriture et préparer nos repas, pour modeler la terre, assembler des étoffes... Nous pourrions utiliser notre temps de façon bien plus utile et directe si nous travaillions à des choses plus simples et plus nobles !


Il n'y a pas besoin de se priver des choses essentielles si on décidait de sortir de ce système. On pourrait ensemble décider de vivre tous plus simplement, d'être fatigués physiquement fin de journée parce qu'on aurait travaillé à des choses utiles mais l'esprit tranquille et satisfait.

On pourrait se dire que c'est normal d'avoir parfois froid ou chaud, que notre vitesse normale est celle des pas que nos jambes font et pas celle d'une voiture sur l'autoroute.

On pourrait se dire qu'on peut se passer de tout un tas de choses et en (re)découvrir d'autres, plus proches de notre nature et de nos besoins. Je suis persuadée qu'en plus de manger, de boire etc, figurent parmi la liste des essentiels, des activités plus reposantes ou stimulantes que celle de se poser sur une serviette de plage au bord d'une piscine chlorée, une semaine par an : rire, parler, échanger, rêver, danser, se promener, ne rien faire, écouter ou faire de la musique, jouer, lire, écrire, construire, imaginer...


Les années à venir ne seront sans doute pas rose et confortables. Nous avons connu une pandémie, nous commençons à vivre de façon de plus en plus évidente le dérèglement climatique. Dans certaines parties du monde les gens vivent des guerres, la misère, les famines, l'impérialisme depuis beaucoup trop longtemps. Je suis de nature optimiste et je me dis souvent qu'il suffirait d'un peu de bonne volonté, de se retrousser les manches, de prendre des décisions justes, simples et profondément à l'opposé du système dans lequel nous vivons pour tenter de faire de notre monde un endroit plus agréable pour tout le monde.

L'humanité ne sera sans doute pas éternelle et ce n'est pas grave, « notre belle planète » n'a pas besoin d'être « sauvée » juste pour se donner bonne conscience. Par contre, même si l’humanité finit par disparaître ça ne se fera sans doute pas du jour au lendemain, pouf tout le monde meurt et on passe à autre chose. Les plus pauvres, les miséreux, sont qui sont exploités depuis si longtemps, ceux qui n'ont jamais eu accès au luxe indécent dans lequel on vit dans notre petite partie du monde sont les premiers à subir le dérèglement climatique, la faim, la soif, la sécheresse, les maladies. Nous avons encore au mois quelques années devant nous, nos enfants ne méritent pas de vivre la misère parce qu'une ou deux générations au dessus d'eux auront pris des décisions de merde en étant parfaitement conscient qu'on les précipitait dans un monde qui ne tourne plus rond.

Nous n'avons pas à sauver une planète, simplement à l'habiter d'une façon plus juste, plus naturelle, moins destructrice, à retrouver notre place dans notre environnement.


La révolution est nécessaire et urgente ! Et pas pour couper la tête des nobles et mettre des bourgeois à leur place ! Une révolution bien plus profonde, pour mettre à terre ce système qui n'a plus aucune raison d'être, pour l'envoyer bouler, pour tenter que chacun puisse vivre dans la dignité, pour écouter ceux qui ont des tas de leçons de vie à nous apprendre (les laissés-pour-compte, les débrouillards, les migrants, ceux qui n'ont jamais trouvé leur place dans ce système néfaste...).


J'écris toutes ces pensées, ces réflexions, ces idées, ces révoltes, ces espoirs qui m'habitent jour et nuit... Pourquoi ?

Je vais sans doute les publier sur la toile, peu me liront mais j'ai besoin de croire qu'on peut renverser la vapeur, j'ai besoin de trouver une place juste dans notre monde.


Comme je l'écrivais plus haut, au quotidien j'ai l'impression de lutter pour faire des choix entre ce que je pense être juste et ce que je me vois obligée de faire parce que je n'arrive pas à sortir du système.


Je consacre une partie de mon temps à travailler à notre autonomie, ce n'est pas tous les jours facile, c'est parfois éprouvant physiquement ou moralement, il faut du temps pour apprendre des choses simples et humaines comme faire pousser sa nourriture ; une autre partie de mon temps est consacrée à un travail pour gagner de l'argent et payer ce qu'on ne peut pas (encore) produire nous-mêmes. J'échange des biens, des services contre de l'argent et l'idée ne me plaît pas énormément mais c'est pour nous la meilleure façon de répondre aux besoins de notre famille avec un maximum d'indépendance.

Je rêve que le système capitaliste s'écroule, je rêve de ne plus avoir de magasin où je vende des choses. Je me demande souvent comment je pourrai réussir à trouver ma place dans un monde qui ne serait plus régi par l'argent.

Je me demande qui je suis, ce que je sais faire et je me dis que je serais heureuse de pouvoir offrir mon temps, mes connaissances, mes affinités à d'autres si nous réussissons à sortir du système qui nous écrase.

Je sais comment faire pousser quelques légumes et fruits, je connais quelques plantes et fruits sauvages qui peuvent nourrir et soigner, je sais assembler des étoffes pour en faire des vêtements, je sais écouter, je pense que je pourrais accompagner des mères à mettre au monde leurs enfants et les rassurer quand elles les mettront au sein et les verront grandir, je sais nourrir une grande tablée avec pas grand chose, j'ai des histoires plein la tête et j'aime jouer avec les mots, j'aime passer du temps avec les enfants, j'aime découvrir et apprendre, réfléchir et agir... et j'espère de tout cœur que tout cela sera utile dans « le monde d'après ».


Je n'ai pas la prétention de réussir à changer le monde, j'ai parfois peur que mes mots ne tombent dans un grand trou vide et sombre, qu'ils ne servent absolument à rien mais j'ai envie de croire qu'écrire est aussi une invitation à discuter, à échanger, à partager et à rêver ensemble une autre monde, une révolution juste, nécessaire et urgente.


Rassemblons-nous, discutons, rêvons, inventons, redécouvrons une autre vie !

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